CONTRE LA MAGHREBISATION
DE LA TURQUIE
Le but de cet article est de sensibiliser à la nécessité d’améliorer les rapports entre la France et la Turquie et notamment de réaliser les promesses européennes qui ont été tenues à celle-ci depuis beaucoup plus de 40 ans. La position de la France semble de plus en plus évoluer vers le concept de pays tampons et faire jouer à la Turquie le rôle de zone intermédiaire avec le Moyen-Orient et l’Asie centrale. L’assimilation de la Turquie avec le Maghreb étant déjà assez avancé dans l’esprit de la population française et dans celui de nombreux participants à la vie politique.
La Turquie n’est cependant ni islamique ni islamiste mais bien laïque. Les attentats dans les deux synagogues à Istanbul, l’ont rappelé, la population ayant exprimé immédiatement son horreur face au drame. La Turquie a toujours été un cas d’exception au Moyen-Orient. Elle ne s’y est jamais intégrée, de part sa culture et de sa langue si différente des pays arabes. Revendiquant l’appartenance de la Turquie à l’Europe, j’évoquerai les principaux sujets concernant l’identité de la Turquie, ses relations avec la France et les problèmes dans cette relation.
1. L’histoire franco-turque
L’Asie Mineure est une source importante
d’éléments culturels pour l’Europe tout au long de son histoire. L’origine
anatolienne des langues indo-européennes formées à partir de 800 avant JC est
désormais avérée. L’Asie Mineure a agit comme un pont naturel entre les continents, un
carrefour d’échange qui a forgé une identité inventive, ouverte sur le monde et
conquérante. Territoire souvent intermédiaire entre les puissances occidentales
et orientales, c’est naturellement que le commerce se développe sous les grecs,
les perses puis les byzantins. C’est ici également que les premières communautés
chrétiennes s’établissent sous l’influence de Saint-Paul dont l’œuvre la plus
connue est la lettre aux Galates. Les galates étant un peuple celte qui après
avoir envahit les Balkans, attaquèrent Delphi (Grèce antique) en -279 puis
après leur défaite se sont en partie réfugiés en Anatolie prés de l’actuelle Ankara.
Sous l’impulsion des turcs, puis des ottomans,
un empire multi-confessionnel est constitué où le respect des cultures des
peuples le composant est préservé et pris en compte (semblable en ce point à l'empire perse). Après la conquête du monde
musulman, l’avenir de l’empire s’établit de plus en plus à l’Ouest. L’influence
des nations européennes sur l’empire augmente et l’empire ne sait pas se
réformer et finira par s’écrouler. Les turcs suivent alors Mustafa Kemal Atatürk
pour empêcher la scission de leur pays. Atatürk est un homme moderne qui lit
des œuvres françaises (Montesquieu, Rousseau, Voltaire, …) et porte une
admiration pour Napoléon.
Pendant toute cette période le mélange des
cultures et des esprits fait de ces palais des hauts lieux de la pensée
intellectuelle et artistique qui influenceront toutes les cours européennes.
L’empire ottoman permettra à nombre de peuples de se développer à leur contact,
les dirigeants régionaux étant souvent issus des populations locales. L'alliance
conclue entre le Royaume de France et la Sublime Porte, entre François Ier et
Soliman le Magnifique, s'est maintenue de façon exceptionnelle au cours des
siècles, faisant dire à Robespierre que la Turquie était la plus ancienne et
fidèle alliée de la France (depuis 1536). C’est également un lieu de refuge pour les
juifs chassés d’Espagne. D’autres activités limitées en Europe par le poids
culturel dont les sciences et la médecine vont continuer de se développer dans l’empire ottoman pour plus
tard être progressivement ré-intégrées dans les pays européens.
Les références aux turcs seront récurrentes
dans la littérature française et espagnole à partir du XVIe siècle. Vu à
l’époque comme l’héritier des empires romains et byzantins, l’empire ottoman
suscite à la fois admiration et irritation.
Cet héritage est imaginé dans les images des
repas qui se prennent parfois couchés comme à Rome, des lutteurs turcs qui
combattent nus comme dans la lutte gallo-romaine. Les analogies sont nombreuses
et montrent avant tout une ouverture de cet empire aux différentes cultures et
une meilleure connaissance de l’antiquité que l’occident commencera finalement à
étudier avec le rapatriement des manuscrits de feu Byzance. Le voyageur de
l’époque sera volontiers surpris de certains éléments de continuité. La
cautérisation des plaies des blessés sur les champs de bataille s’effectue selon
les préceptes de Socrate. Les hammams turcs, évolution des thermes romaines font
connaître à la société turque une hygiène nulle part égalée alors. La création
d’un corps d’élite de l’armée : les janissaires semblent perpétuer les
légionnaires romains. Cependant l’empire ottoman est estimé avant tout comme un
empire non chrétien. C’est pour cela que l’on rencontre des adjectifs souvent
antonymes pour décrire les turcs. Par exemple, ils sont volontiers dépeints comme barbares,
tout en étonnant par leur humanité. De nombreux hommes verront dans l’empire
ottoman, une image de justice et d’équité qui contraste avec les errances du
monde chrétien. Ils pensent que la grandeur de l’empire ottoman est la preuve
qu’il faut corriger les défauts chrétiens sur le rival ottoman. C’est
d’ailleurs la structure évoluée et efficace de l’empire ottoman qui inspire de
nombreuses réflexions politiques et militaires en Europe comme celle de
Machiavel.
De nos jours, les principales références
culturelles de la population turque sont celles des Etats-Unis et de la France.
Le goût des turcs pour la modernité s’exprime en permanence à travers les
centres commerciaux, restaurants, cinémas et bars qui fleurissent en permanence
et rivalisent d’idées et d’innovations. La cuisine, l’enseignement, la
littérature et la musique française conservent une place importante à travers
tout le pays mais plus particulièrement à Istanbul. La langue turque réformée
en 1924 minimise l’influence de l’arabe sur la langue, notamment en adoptant
l’alphabet latin, et emprunte alors beaucoup de vocabulaire au français et à
l’italien. Istanbul est l’une de principales missions culturelles françaises à
l’étranger et de nombreux établissements d’enseignement étrangers parsèment la
ville (français, allemands, autrichiens et américains). Istanbul
2. Le système politique turc
Le système politique est forgé par Atatürk, héroïque
commandant de l’armée turque, à partir des codes de plusieurs pays européens.
Ses premiers gestes seront l’abolition du sultanat, du califat, de l’alphabet
arabe et la laïcité. L’occidentalisation de la Turquie avance alors à pas de
géant, avec une meilleure scolarisation, de nombreux travaux d’infrastructures
et un rôle égal accordé à la femme. L’occidentalisation du pays n’est plus
vécue comme le moyen d’empêcher la chute de l’empire mais comme le meilleur
moyen de promettre un avenir radieux à la jeunesse turque.
Ces principes sont établis, puis respectés dans
toutes les époques politiques. Cependant le principe faisant de l’armée un
garant de la constitution est souvent utilisé pour réprimer des partis
politiques ou des personnes de manière abusive. Ces réactions s’expliquent
avant tout par une crainte de la disparition de l’état turc dans sa forme
actuelle. Le traumatisme du traité de Sèvres ne s’estompant que progressivement
des mentalités.
Les réformes kémalistes font intégralement
parties de l’identité turque et le support de la laïcité est très présent dans
les villages anatoliens et dans les classes moyennes et supérieures. De plus,
les pratiques des musulmans en Turquie sont très variées et une approche
individuelle de la religion est privilégiée sur une approche rigoriste. La
présence de différents courants comme l’alévisme hétérodoxe mais aussi de
fortes minorités juives et chrétiennes (orthodoxes, catholiques et arméniennes)
s’oppose à la pensée générale que la Turquie ne peut se fonder sur une seule
confession.
Les élites politiques quelques peu
bureaucrates n’ont jamais réussi à établir de gouvernement stable, les
gouvernements de transition s’étant succédés favorisant les compromis de peu
d’intérêt et la corruption. A ce titre le gouvernement de l’AKP au pouvoir, qui
se définit comme un parti conservateur et réformateur, a rompu avec ses
prédécesseurs et a poussé le paysage politique à évoluer. Le parti d’opposition
CHP, kémaliste et étatiste, doit évoluer pour reconquérir et se rapprocher de
son électorat. L’AKP a joué un rôle de médiation entre les volontés populaires
et la machine d’état. Elle a également mis en place d’incroyables réformes
mettant à jour des pans entiers de la loi turque.
Si les problèmes de droit de l’homme sont en
bonne voie de résolution, les problèmes de la justice et d’économie seront
plus longs à rétablir. Les performances de la Turquie sur de nombreux critères
sont très bonnes par rapport aux candidats qui rejoignent / ont rejoins récemment l’UE.
3. La religion en Turquie
Aujourd’hui, parfois avouée, la peur de
beaucoup est qu’avec une Turquie dans l’Union, l’on prendrait le risque de voir
les remous imprévisibles et menaçants du monde musulman directement introduits
dans la place.
La Turquie, elle, s’est toujours méfiée de ses
voisins du Sud qui l’ont « trahi » en 1916 (la révolte arabe contre
la tutelle ottomane). En abolissant le Califat, la Turquie s’éloignait définitivement
du monde arabe. Dès 1948, la Turquie reconnaissait l’État d’Israël, esquissant
un axe géostratégique qui depuis s’est approfondi. Cette alliance, avec Israël,
permet aux Turcs de renforcer leur rôle géostratégique face à la Russie. C’est
aussi une preuve de la longue amitié entre ces deux peuples.
Forte de son histoire et des nombreux
déplacements de population qu’elle a connue, la Turquie a su adopter un système
ouvert dans la poursuite de la vision d’un Islam tolérant de l’empire ottoman.
Les turcs sont en effet principalement de rite hanéfite, une des quatre
branches principales de l’Islam. C’est ainsi que l’empire ottoman laissait une
grande liberté dans la pratique cultuelle et linguistique de ses sujets. D’ailleurs
de nombreuses populations souhaitaient pouvoir vivre de telles libertés :
ce sont les cas (non exhaustif) par
exemple des arméniens qui souhaitaient fonder leur église chrétienne hors de la
pression de l’empire byzantin ou encore des hongrois qui craignaient la reconquête
par les autrichiens.
La religion pratiquée en Turquie est issue de
cette histoire et l’on ne peut l’assimiler à d’autres pratiques musulmanes.
Effectivement, l’islam tout comme la chrétienté n’est pas un univers uniforme.
Il convient de ne pas pratiquer l’amalgame et de définir clairement les
ensembles distincts qui s’en départagent :
·
Arabes et Berbères (autour de
l’arabe)
·
Irano-Indiens (autour du perse)
·
Turcs et turcomans (autour du
turc)
·
Malais dont Indonésiens (autour du
malais)
·
Africains (autour du swahili)
·
Occidentaux (langues européennes)
Une des particularités de la Turquie est
également un courant de l’Islam: l’alévisme. Les pratiquants de cette religion
sont entre 10 et 20 millions en Turquie. Ce culte musulman hétérodoxe laisse
une grande place à des pratiques ancestrales venues des steppes d’Asie
centrale. Les alevis ont foi en Ali, le neveu de Mahomet, qui aurait été écarté
de la succession par des complots calculateurs, et des manipulations des
écrits. Les alevis en déclinent une interprétation ouverte du Coran, plutôt
qu’une interprétation littérale. Ils font également référence à la Tora et aux
évangiles. Leurs pensées s’articulent autour de certains penseurs qui vont
décrire des attitudes progressistes qui peuvent se résumer comme suit:
- Amour de dieu: Une personne n’atteint la vraie maturité et la paix que par l’amour de Dieu.
- Focalisationsur la substance plutôt que le superficiel: La sagesse profonde et la connaissance des choses religieuses sont des faveurs spéciales offertes par Dieu à ceux qu’il a choisi. Dieu ne regarde jamais les manifestations extérieures des actes mais l’intention portée lors de ces actions.
- Amour et unité entre les peuples: Les biens de ce monde ne bénéficient en rien à quelqu’un. La seule chose qui illumine le chemin d’une personne est l’amour divin et humain. Ceux qui rejoignent les cieux réalisent ces faits quand ils y arrivent, mais ceux de ce monde ne peuvent savoir ce qui sera précieux dans le prochain.
- Pouvoir de sainteté: Il est inutile de chercher Dieu dans tel ou tel endroit. Si un homme croit qu’il a atteint la maturité et qu’il croit en lui, il devrait arrêter de chercher sans cesse comme un astrologue inconscient des signes du ciel. Ce qui est sacré n’est pas au-dessus mais à l’intérieur de soi, enterré sous l’apparence extérieure d’une personne.
Ces visages
de la foi musulmane en Turquie montre que loin des clichés, les pratiques de ce
pays sont farouchement opposées au wahhabisme dogmatique de l'Arabise Saoudite. C’est
pour cette approche d’une foi relevant de la sphère privée que la Turquie s’est
doté très tôt d’une constitution laïque, dont nombre d'anatoliens sont de fervents
défenseurs.
4. L’indépendantisme kurde
La revendication d’un état appelé Kurdistan
est née des options envisagées pour le démantèlement de l’empire ottoman. Historiquement
les peuples kurdes habitaient les montagnes entre l’Anatolie et la Perse. Ils
étaient organisés par vallée avec des communications très limitées avec
l’extérieur. Leurs aspirations limitées en ont toujours fait des vassaux des
grands empires. C’est surtout en se regroupant dans les villes et avec le
développement des trafics illégaux que le mouvement indépendantiste s’est organisé
dans la Turquie du Sud-Est puis en Irak du Nord, unifiant peu à peu les
dialectes locaux en plusieurs langues kurdes.
La lutte antiterroriste a duré 10 ans et coûté
la vie à 30.000 personnes. La violence des exactions perpétrées sur la
population locale et à Istanbul, a été la source de nombreuses interventions de
l’armée et de la déclaration de ces zones en état d’urgence. Le contrôle civil
des forces utilisées étant faible, le respect du droit n’a pas été assuré dans
nombre de cas. De plus, la constitution dénonçant explicitement toute remise en
cause de l’intégrité de la Turquie, les discours séparatistes on toujours été
sévèrement jugés.
La situation est cependant loin d’être
catastrophique. Les régions du Sud-Est se développent désormais rapidement
grâce notamment aux projets de barrages, au désenclavement qu’ils ont permis et
au développement de zones agraires. De nombreuses personnalités turques sont
d’origines kurdes, des publications en kurde existent, la langue kurde est
reconnue. Les provinces kurdes votent de moins en moins pour les partis
ethniques. Les kurdes représentent désormais des parts importantes des grandes
villes de l’Ouest. La question kurde semble être réglée en Turquie. Ceci porte
d’autant plus les regards du gouvernement turc sur les développements au Nord
de l’Irak.
L’histoire ne pouvant être sans cesse réécrite
le projet de création de Kurdistan a été abandonné d’abord et avant tout par
les grandes puissances européennes. Sa non-existence ne peut continuer à être
reprochés à d’autres nations que les nôtres. En effet, en 1923, les puissances
occidentales, qui n’avaient pas cherché à aider les Grecs chassés par Atatürk,
oubliaient leur promesse d’un État kurde. La petite Arménie avait été à nouveau
absorbée par la Russie, il n’était plus question de lui attribuer de nouveaux
territoires. La république de Turquie était la puissance dont les Occidentaux
avaient besoin pour empêcher la Russie de prendre le contrôle des Détroits, ce
qui aurait alors facilité son expansion en Méditerranée.
5. Le génocide arménien
Depuis le 14e siècle, et jusqu’en 1918, la
population arménienne fut partagée entre la Perse, l’Empire ottoman et, à
partir du 19e Siècle, la Russie. En 1914, une partie importante, peut-être une
majorité de cette population, vivait dans l’Empire ottoman : c’est elle qui
disparut en partie entre 1915 et 1916. Les Arméniens, dont l’Anatolie orientale
est le territoire originel, jouaient jusqu’en 1914 un rôle de premier ordre
dans l’Empire ottoman, de par leur nombre et de par leur position économique et
sociale garantie par leur statut de minorité. Pendant le conflit armé avec la
Russie, celle-ci utilise les arméniens pour saboter les lignes logistiques ottomanes.
En échange, les arméniens ont la promesse de la création de l’Arménie an
Anatolie Orientale. Les organisations terroristes
et les milices arméniennes qui s’organisent expliquent en partie les défaites
de l’armée ottomane sur le front russe. Selon une stratégie souvent utilisée
dans l’armée ottomane, la décision d’évacuer le front est prise. Une majorité
des populations arméniennes devront rejoindre des zones Sud (situées dans
l’actuelle Syrie) jugées sûres et hors de portée de la zone de conflit. Malgré
les précautions prises, les effectifs assignés aux taches de la migration se
révèleront insuffisantes, notamment face à l’insécurité ambiante et à
l’hostilité envers les « traîtres arméniens ». En ce temps de guerre,
des bandits et des milices locales (notamment kurdes) attaquent les convois
arméniens qui transportent leur mobilier et sont des proies faciles. Tous les
villages arméniens ne sont pas cependant évacués (environ 400.000 sont
concernés par la déportation) et un certain nombre d’arméniens décident de fuir
par eux-mêmes. Ces temps de guerre sont propices aux épidémies qui déciment les
populations les plus fragiles. Ceux restant dans leurs villages, s’ils peuvent
être soldats, intègreront l’armée turque ou rejoindront l’armée russe.
La diaspora arménienne souhaite la
reconnaissance de ce drame en tant que génocide. La dénomination en étant inappropriée
dans son sens légal (rétroactivité). Les conférences pour la reconnaissance de
celui-ci accueillent également des sujets aussi étranges que la reconnaissance
du génocide vendéen. Pour moi, vendéen de souche, cette idée me semble
incroyable et anachronique, et même Mr Philippe De Villiers (Député
ultraconservateur de Vendée) n’oserait en parler.
6. Une vision pour l’Europe
L’intégration de la Turquie à l’Europe est un
message pour l’identité de l’Union Européenne. Cette identité se définit par
une primauté des règles internationales et européennes pour trouver des
réponses aux problèmes modernes et établir des institutions communes qui
peuvent y répondre. En matière de régulation du commerce, de lutte
antiterroriste, de développement régional, de transport, de justice, l’Europe
est un modèle global. La stabilisation des équilibres mondiaux ne pourra se
faire que par l’établissement de modèles de développement et d’intégration dans
le système et la régulation mondiale pour les pays en voie de développement et
notamment pour les pays à majorité musulmane.
Contrairement à ce que les anti-américains
veulent croire, la Turquie est un pays réaliste qui base ses relations sur les
faits. Le péril russe étant derrière nous, le partenariat entre la Turquie et les
Etats-Unis s’est distendu et c’est profondément dans une Europe Puissance et au
caractère politique indiscutable que la Turquie veut entrer. La Turquie veut
une armée européenne, un espace de justice européen, un modèle social européen
né de la confrontation du modèle rhénan et du modèle américain.
Dans ce cadre, l’intégration de la Turquie dans
l’Europe démontre que les institutions et les règles internationales sont ouvertes
et adaptées à tous types de pays quel que soit leur religion majoritaire, culture
ou histoire. Cela est également un signe important pour l’intégration des
minorités musulmanes dans l’espace culturel européen et pour l’ex-Yougoslavie.
En effet, plusieurs peuples, les Grecs, les Serbes, les Bulgares, les Albanais,
les Roumains et bien d’autres ont vécu en symbiose avec les Turcs durant
plusieurs siècles. Même si, la plupart d’entre eux ont bâti leur État, et
parfois une partie de leur identité, en opposition à l’occupant ottoman, la
Turquie n’en conserve pas moins des liens dans la région
L’approfondissement de l’Union Européenne est
plus bloqué par les pays de l’ex-bloc communiste, encore obsédés par leur passé
que par la Turquie résolument progressiste et tournée vers l’avenir. La
question des frontières de l’Europe avec l’Asie au Sud a été réglée pour le
Proche-Orient, une fois Chypre intégrée à l’Union Européenne. L’intégration de
la Turquie ne signifie pas l’intégration de la Russie ou du Maroc.
La Russie même si elle a été un empire souvent
respecté de l’Europe ne possède ni de langue, ni d’alphabet, ni d’intégration
territoriale ou économique susceptible de justifier son appartenance à l’union
européenne. La Russie surtout ne souhaite pas être intégré à l’Union Européenne
mais continue de vouloir se positionner comme un pôle mondial d’attraction.
Les pays du Maghreb ne sont objectivement pas
européens même si le passé colonial est fort. L’intégration de ses pays ne peut
se résumer qu’à un calcul économique mais aucun besoin stratégique, culturel au
politique ne saurait s’établir durablement entre l’UE et ces états africains.
L’intégration de ses pays mènerait forcément à l’intégration de l’ensemble du
bassin méditerranéen dans l’Union Européenne. C’est un projet que ni ces
populations d’Afrique et d’Asie ne veulent, ni les populations européennes et
qui n’était porteur de sens qu’à l’époque des empires romains, byzantins et
ottomans. Depuis, la découverte de nouveaux continents et de nouveaux modes de
transport a fait perdre à cet espace sa qualité de centre du monde.
7. Le nouveau voisinage de l’Union Européenne
Le risque de conflits régionaux et la crainte
d’un facteur d’instabilité pour l’Union Européenne sont une des raisons les
plus évoquées pour « contenir » la Turquie hors d’Europe. Mais si les
risques de conflits existent, ils restent néanmoins nettement plus faible dans
l’option de l’intégration de la Turquie à l’Union Européenne.
L'islamophobie et la judéophobie sont parmi
les principaux maux qui rongent le Proche-Orient, tout comme l’Europe. La
Turquie est un pays qui a su pacifier ses relations avec les pays arabes, tout
en conservant une relation étroite avec Israël. Ce levier peut aider à la
pacification du conflit israélo-palestinien, ce qui deviendra de plus en plus
pressant avec l’intégration de Chypre à l’UE (et sa frontière indirecte avec le
Liban, la Syrie et Israël). L’intégration de la Turquie à l’UE est de plus
l’assurance du règlement du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les
négociations d’adhésion de la Turquie ne pouvant se terminer sans la résolution
du problème de la frontière entre la Turquie et l’Arménie. L’Iran au voisinage
immédiat de l’Union Européenne perdrait de son influence sur la région et les
risques de déstabilisation de la région (Irak, Turquie, Liban, Palestine). Les
tentations d’appliquer la charia comme base du droit dans les pays de la région
seraient diminuées également.
La position géostratégique qu’occupe la
Turquie lui permet d’envisager de nombreuses alternatives à l’entrée dans la
Turquie qui néanmoins seraient de portée beaucoup moins grandes pour la
Turquie. La première possibilité, qui serait la plus naturelle serait une
participation à un espace de libre-échange avec les Etats-Unis, peut être en
même temps qu’Israël. La seconde serait un rapprochement avec les républiques
d’Asie Centrale et la Chine. La dernière, enfin, serait un accord avec l’Iran
et la Syrie et une plus grande intégration au monde arabe. Cependant toutes ces
alliances ne permettraient à la Turquie de réaliser son potentiel et ne
seraient pas porteurs de projets pour les turcs. Toutes ces configurations
créeraient un voisinage européen beaucoup plus dangereux pour l’Europe et sa
construction que l’utilisation de la Turquie comme tremplin dans cette zone
géographique. L’Europe devra impérativement étendre sa zone d’influence si elle
compte se définir comme interlocuteur égal des Etats-Unis, de la Chine ou de
l’Inde.
8. Conclusion
Loin d’être une dilution de l’Europe, l’entrée
de la Turquie dans l’Union Européenne va permettre de renforcer l’Europe sur
des projets et un avenir commun. L’Union Européenne ne peut espérer uniquement
survivre au 22ème siècle, elle peut au contraire espérer replacer
son modèle dans l’ère de la mondialisation. Les réformes des systèmes européens
comme des systèmes post-communistes ou du système kémaliste sont nécessaires.
Leur évolution vers une plus grande convergence est une nécessité à son
développement et à la protection de ses valeurs.
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